L'aventure à vélo

L'aventure à vélo
2011, Viet Nam/Cambodge en solitaire

lundi 24 janvier 2011

carnet 3 - Hoï Han

Voyagez Sans Moteur, l'esprit libre
Splendeurs du Viet Nam
Vert. Bleu: la couleur du Viet Nam; ces deux couleurs n’ont qu’un seul mot en vietnamien. Vert ou bleu, couleur des rizières qui s'étalent dans les vallées et gradinent les flancs de montagnes Des rizières à perte de vue. C'est le symbole du Viet Nam. Juché sur la selle de mon vélo, je traverse les vallées entre Hué et Hoï Han, moyenne de 22 km/heure ; ce sont des paysages vert-bleu qui défilent sur chaque côté de mon guidon ; au lointain, des montagnes revêtues d’un bonnet et d’une écharpe de nuage : l’hiver n’est pas fini et les averses ne sont pas rares. La température : entre 12 et 16 degrés.
De Hué pour se rendre à Hoi Han
L’état a fait construire une autoroute qui s’éloigne du bord de mer et traverse la montagne. Interdite aux vélos et cyclomoteurs, je prends donc l’ancienne route pour Hoï Han, route plus… alpine. Il existe bien une gare de bus qui partent pour le centre. Je m’entête à maintenir un rythme et entretenir mon « coup de pédale ». Bientôt ce coup va en prendre pour son grade... Soudain, tandis que j'admire le paysage verdoyant, un panneau indicateur rectangulaire surgit et se plante au bord de la route, l’air de dire : « Maintenant, tu vas en baver ! » Le dessin imprimé en noir sur fond jaune représente une montée et indique 10% : je comprends le vietnamien !

Du mental et des cotes
Le secret pour ne pas échouer, c’est le Mental, vous diront tous les Vélomanes professionnels et les sportifs de Haut Niveau.
Voici un mot qui entre dans mon dictionnaire de vététiste. Je me concentre : « Ouf, la route devient plate » et j’arrive au sommet, merci qui? MENTAL… « Mince, ça monte encore ! » Vite, du Mental. Je le cherche entre deux yeux plissés, sous des cheveux plaqués par la pluie et des habits trempés. « Allez, allez, grimpe, Pyerrot ! » J’imagine une arrivée triomphante au sommet, enfin le vrai sommet. Après chaque virage, je lui donne Rendez-vous avec les applaudissements d’une foule qui scande mon nom « Vas-y, vas-y, Pyerrot ! » Mais le sommet se fait attendre. « Bon sang, il est où ? » J’ai besoin de mental à grand renfort. Mes mollets sont tendus et pourtant je ne relâche pas. Je maintiens le rythme qui doit être passé à moins de 10 km/h.

Illustration pour Carnet de voyage de Jean Cabane

Pour nourir mon Mental, je regarde un paysage luxuriant et embrumé. Le décor est splendide.
Je ne cache pas que les quelques bus remplis de touristes venant de Hué qui me klaxonnent me cassent les bonbons. Les passagers me narguent, c’est sûr. Je pédale. Pour me distraire, je chantonne :

« Pour voyager à l’authentique,
Je prends les transports en commun
C’est fatiguant mais folklorique
Je risque ma vie en chemin ! »

(Chanson pour « Train Des Gens », j’entends la voix de Julia et la contrebasse de Laurent : voilà du Mental à petite dose)

Quand verrai-je le bout de cette route ?

D’autres panneaux – de la même famille que le premier - se jettent devant mon pneu pour me déstabiliser, me saper le moral. Les petits frères portent des nuances : 9%. Je les fustige du regard : « Tu n’existes pas, disparais ! » Et j’ai crié « Mental, aide-moi ! » Assis sur mon porte bagage, un petit bonhomme grassouillet s’est précipité sur eux et les a chassés. Les panneaux se sont enfuis et c’est ainsi que j’ai pu atteindre le col. Le grand secret du Mental est de vous doter d’imagination suffisante pour oublier votre douleur et vous faire croire que tout va au mieux. Enfin, j’aperçois une gargote gardée par ses vestales. Je me prends un café vietnamien chaud, je négocie mal un pot de « baume du tigre » pour les prochaines étapes. Je reprends la selle. La descente m’attend.

Voici quelques panneaux vietnamiens dont je vous fournis l'explication. Avec dans l'ordre de gauche à droite:

1) 10%, tu vas en baver pendant 1heure. 2) Baignade pour voiture interdite. 3) Pinocchio profil droit. 4)pour cycliste, mettre sur la selle le sexe à gauche.5)... Comme vous le sentez.


J’ignore ce que ces 10% représentent sur presque 50 minutes de montée en VTT chargé de deux sacoches pleines de livres, de fringues et un sac (poids:24kg+60kg, le mien!) mais je peux vous garantir que si je n’ai ni posé le pied ni fait une pause boisson, en dépit d’une selle confortable, j’avais les muscles fessiers chauffés à blanc. Merci Mental, grâce à toi, j’ai oublié déjà que j’ai passé un sale quart d’heure !
Après avoir franchi le col de la nationale avant Da Nang, qui agit comme une barrière naturelle entre Nord et Sud, je sens pour la première fois depuis le 10 janvier un vent tiède me caresser le visage. Très vite j’ouvre la fermeture-éclair de mon coupe-vent. J’inspire un vent doux.
Hoï Han, la ville touristique...
Le marché des saveurs , situé en bord de rivière
...qui vous repose
Un vieux quartier aux maisons-musée, des rues piétonnes interdites aux deux roues certains soirs, un marché aux étales couverts de fruits, de légumes et de produits locaux, des restaurants et cafés installés le long de la rivière, des quantités de galerie d’Art. On est loin de la ville classique vietnamienne. L’architecture conservée façon « Bruges »fait évidemment tout le charme. Ses rues et ruelles vous dévoilent leurs secrets d’autant plus si vous vous y baladez avec quelqu’un du crû.

Le pont japonais

Hoa et Jean :

Des « Quelqu’un » du crû
Depuis mon arrivée, il m’a fallu attendre Hoi Han, soit 10 jours depuis Hanoï, pour me sentir « parti ». Me sentir ailleurs. La raison est simple : je me suis posé à Hoi Han. Avant mon départ de France, j’avais été mis en relation par le biais du Centre Culturel Français de Hanoï avec Jean Cabane, pour proposer un spectacle en français. Jean habite à 2 km de la vieille ville de Hoï Han (centre du Viet Nam). Il est artiste peintre, expose dans une galerie près du marché et partage sa vie avec Hoa. J’ai été hébergé chez eux… Et ça a été un réel plaisir : d’abord j’ai bénéficié d’un accueil chaleureux. J’ai dormi dans « l’Atelier du peintre », un lieu paisible débordant de peintures, de pinceaux et de feuilles d’un papier très spécial : le papier DO. Ensuite, la cuisine de Hoa restera inégalée : j’ai goûté au raffinement gustatif, à l’éternel culinaire vietnamien. Crabes et petites crevettes grillées, canard, pho (soupe de pates de riz), cau lao (spécialité d'Hoi Han, soupe avec morceaux de porc et légumes, pousses de soja), banh bao (genre de nems farcis à tremper dans sauce soja) salades et soupes, fruits confits. C’en était trop pour mon estomac habitué à un petit-déjeuner et un dîner. Sans vous parler des gâteaux dont les parfums et arômes envahissent la maison dès potron-minet et vous ouvrent l’appétit quand bien même vous êtes rassasié.

Jean CABANE
Exercice de style ou Comment vous faire le portrait d’un peintre. En souhaitant ne rien gâcher d'une rencontre inopinée et une entente spontanée. Voilà:
JEAN: Artiste peintre. Qu’il pleuve ou qu’il fasse un temps couvert, son accent de Nîmes - plus chantant que celui du Nord il va sans dire - vous déboussole et dépayse un Lorrain qui voyage au Viet Nam. Son regard scintillant, nourri du soleil de « là-bas », vous souhaite la bienvenue. Et il y a cette moustache à la « Fred *» qui soutient son sourire en permanence. Disponibilité. Générosité. Il transforme son atelier en dortoir. J’avais atterri dans le nid douillet d’un peintre... et d’une cuisinière !

(*le dessinateur de BD, de « Philémon » ou du « Petit cirque », à chacun ses références. Jean adorait Pif Gadget.)

Cinq jours de quasi-résidence qui m’ont permis de profiter d’un cadre exceptionnel. A la question posée à Jean par une artiste peintre de Bruxelles, de passage dans sa galerie: « La France ne manque pas trop ? » Il répond sans hésitation, sans le brin de nostalgie pour son pays natal qu’il ne décrie pas pour autant : « Ici, je suis heureux. ». Comme quoi: le bonheur existe, attrapons-le et profitons-en avant qu’il ne sauve.

L'atelier du peintre, à droite

Pour info: Jean Cabane s’occupe d’une association qui a vocation d’aider les enfants d’un orphelinat.
Association La goutte d eau -
www.la-goutte-deau.com/

Pour apercevoir sa galerie "Ami Galerie") et ses oeuvres: vous pouvez aller directement lui rendre visite de façon virtuelle en attendant de le croiser peut-être un jour là-bas. Bonne visite. Un conseil, méfiez-vous des plats mitonnés de Hoa. Vous ne pourrez plus jamais vous en passer par la suite. Mieux vaut les rencontrer tous deux en fin de périple, histoire de repartir avec les papilles satisfaites et un souvenir de cuisine vietnamienne impérissable.

www.artmajeur.com/

Ci-dessous, illustration tirée d'un carnet de voyage, avec l'aimable autorisation de l'auteur.


22, voilà Lucie, le spectacle
Le conte de Lucie Verpeuton et ses quatre lutins, avec Mamie Faribole et Maître Farfadas, s’est exporté. Il s’agit d’un conte inventé et joué par votre humble pédaleur, histoire créée au sein de la compagnie Lavifil cet hiver pour Saint Quirin avec, pour la créa musique, Christophe Durant. Le texte a été traduit en vietnamien par la fille de Hoa. J’ai rencontré quelques personnes du cercle francophone à Da Nang, je joue le jeu.
Cercle Francophone

Jouer en français au Viet Nam est depuis le départ un pari artistique rempli de doutes, de pièges. C'est risqué, le français. Il y a l'anglais, le coréen, le japonais, le chinois en vogue. La peur d’être incompris. J’ai longuement hésité en me disant encore la veille de la représentation du conte, qu’il aurait mieux valu monter un spectacle visuel et sonore. Ce que je compte faire au cours de mon voyage. Mais tout s’est ajusté en une journée. Le 22 janvier, au matin, Hoa me confectionne un chapeau de lutin Verpeuton ; à 15h, Dinh, un jeune guitariste vietnamien invité par Jean et Hoa, se présente. Très bon guitariste. Après une mise au point sur le thème principal musical et l’accompagnement général illustrant chaque personnage, nous partons ensemble pour la Galerie de Jean, lieu de la représentation.

La galerie a été préparée : Adèle, la "jeune étudiante" du Jura, en stage pour soutenir l’association de Jean, a mis la main à la pâte. Les bancs sont installés. Soudain, une odeur sucré me caresse le bout du nez : des gâteaux préparés par… Devinez. "Au moins, me suis-je dit, si le spectacle se passe mal, la collation sera excellente !"

Levée de rideau sans rideau

à droite, juste avant de jouer, avec Hoa. Petite mise au point franco-vietnamienne

18h : un public s’est déplacé. Surprise : au premier rang, des lycéens et étudiants vietnamiens. Des couples, une famille. Des curieux. Pas de représentant du Cercle Francophone de Da Nang, ce n’est pas grave car Monsieur Dieu est assis au dernier rang. Quand je pense que certains montent des comédies musicales sur Jésus, je n’ai rien à faire pour avoir Dieu parmi les spectateurs. Bien entendu, il faut ajouter un accent circonflexe sur le U et prononcer le nom à la vietnamienne (Fieu) mais l’orthographe est celle-là : DIEU. Loin des conventions, on baisse la lumière, on allume les bougies posées en cercle sur le sol, un discours très bref de Hoa et des applaudissements... C'est parti.

à droite, affiche de Laurence Schluth avec présentation et horaires... en vietnamien
Et un ver luisant, à droite
Et une Mamie Faribole...
euh... Faritchong
à gauche
Et un lutin Verpeuton, à droite
Le spectacle se passera à grand renfort de gestuel et de quelques mots d’anglais lâchés.
Pour l’occasion, Mamie Faribole et Maître Farfadas deviennent Miss Faribole et Mister Farfadas.
Je joue Mamie Faribole coiffée d’un chapeau traditionnel vietnamien. Grand Plaisir sera. Plus courte aussi la durée sera. Le conte s’achève comme en France : Farfadas dans la bouillasse crèvera. Pour compléter la soirée, je prends une guitare et, toujours accompagné par Dinh, j’interprète trois chansons.

à gauche, avec Dinh, excellent guitariste

Fin de spectacle, en magie par Thierry Palasse (il adore Didier Super: Petit papa Chinois...) et apparition des gâteaux de Hoa!. L’ambiance est conviviale, les échanges fusent : l’instant est réussi, je suis transpirant mais surtout soulagé.

Ce sera ma dernière soirée à Hoï Han en compagnie de Jean, Hoa et Adèle « Bière Sec ». Je les salue tous les trois.

Autres illus. de Jean

Je partirai avec dans les sacoches de Tigre Vert des livres de Contes Traditionnels Vietnamiens, afin de compléter mon séjour et d'approfondir mes connaissances. Les contes en dépit de toute traduction ne se comprennent et ne se ressentent qu'avec le pays d'où ils ont émergé. Ils perdurent car ils sont issus d'un rythme, d'une musicalité, d' une mentalité ancrée entre le ciel et l'eau. Impossible de les comprendre sans avoir senti le vent caresser les rizières en cascades. Sans avoir cru Bleu ce que les Vietnamiens appellent Vert. Pour ce pays splendide, c'est la beauté des paysages qui en fait toute la profondeur.

L’aventure culturelle en solitaire à vélo continue au Viet Nam, suite dans le carnet 3. Direction, les temples Cham de My Son, 60 km. Merci pour vos messages chaleureux qui m'accompagnent le long de mon périple. Au revoir : Tam bi-ett. Je pense à vous.

lundi 17 janvier 2011

Carnet 2 - Ha Long... and winding road

"Voyagez Sans Moteur, l'esprit libre... ça décoiffe !"
Carnet 2 - Ha Long... and winding road* *titre des Beatles Il faut savoir que – si les guides indiquent tout ce qu’il est nécessaire de savoir pour se déplacer en bus, en auto, en moto, en train d’un point A à un point F (ça change du B) – la route pour le cycliste demeure une aventure si l’on ne possède pas une carte IGN. Pour aller se régaler les yeux de la Baie d’Ha Long et gagner l’île de Cat Ba, il est conseillé de se rendre à Hai Phong et prendre un bateau. Il faut savoir qu’il existe « deux » Hai Phong. Un Hai Phong plutôt ville avec son embarcadère et un Hai Phong plutôt industriel avec sa poussière, ses chantiers et ses grues. C’est dans le second que je suis évidemment aller me fourrer. Le paysage n’était pas sans rappeler Santander ou Dunkerque parsemé de quelques reliefs karstiques. Demi-tour, une heure trente de perdue. J’arrive pile poil à l’embarcadère de Hai Phong Town, j’achète le billet (le prix triple d’un Viet Namien mais pas le temps de marchander) et enfin, la mer.
La baie d’Ha Long vue du balcon de l’hôtel s’endort avec le soleil, un instant magnifique : ses bateaux de pêche colorés, son air frais et les kilomètres qui chauffent encore mes mollets me donnent un certain aplomb, une certaine « zénitude ». Je suis planté là, face à un paysage unique de dents de pierre dressées vers le ciel au milieu de la mer. Je rêvais de voir cet endroit, je respire ce moment de magie, comme un phantasme d’enfant tout à coup assouvi. Si j’apprécie les instants posés, autour d’une table, où les projets fusent, où les idées affluent et les mots s’entrechoquent comme les verres de bière, ma vie prend tout autant de sens par le voyage géographique et les rencontres spontanées.

Cat Ba Island
Le lendemain, je me programme le tour de l’île à vélo. Le nord, l’est, le centre.

Il est vrai que la température n’est pas celle espérée mais à choisir entre transpirer dans le pantalon double épaisseur acheté hier soir et la tenue de cycliste, j’opte quand même pour les jambes à l’air : une deux, une deux, je pédale et n’ai pas le temps de me refroidir. Une deux, une deux, j’ai les jambes bleues mais je pédale. Au milieu de l’après-midi j’aurai droit à un petit moment délicieux : ça commence par une question en anglais que je pose, une envie d’une boisson chaude. C’est un briquet que l’on vous tend. Les bras croisés contre la poitrine pour stipuler le froid et un besoin de chaleur, vous vous retrouvez finalement devant un feu de camp allumé rien que pour vous et vos jambes frigorifiées. Ce sont de jeunes adolescentes qui me posent cette fois des questions en vietnamien. Ma meilleure façon de leur répondre est le « visuel ». Je fais le clown, pas besoin de nez rouge. Les rires fusent. Je suis ridicule, j’ai gagné. Un instant simple et d’échange. Le sourire aux lèvres, je quitte mon public (juvénile) rassasié d'une soupe, réchauffé et heureux de ce moment. Un peu plus tard, je pourrai cocher « Grotte hôpital », celle dans laquelle a séjourné Ho Chi Minh. Le guide, un ancien « jeune soldat »de la garde proche, m’a offert auparavant le café, puis il a endossé son habit militaire et c’était parti pour la visite du refuge Viet, une grotte aménagée en bunker (mini-piscine de HCM, en fait un large bac en béton). Je ne visiterai pas le Parc National pour des raisons d’horaires de fermeture. Ce sera peut-être l’occasion de revenir ici… Je regagne Cat Ba Town, au total 90 km calmement entre 10h et 18h. Une douche chaude, un repas à base de poissons et une soupe aux choux. Je terminerai cette journée par un Foot Massage.

Bikedog Millionnaire La monnaie vietnamienne est le Dong. Quelques billets estampillés : Oncle « Ho »… Chi Minh. A ne pas confondre avec « Oncle Jo » de la compagnie Philodart qui rêverait lui aussi d’avoir sa grosse tête sur nos billets. Sachant que 25 000 Dong équivalent à 1 €, il suffit de retirer 100 € et vous voici riche de 2.500 000 Dongs. Je suis donc ici un artiste millionnaire. Rassurez-vous, je ne joue ni les pachas ni les « Vacanchiers* » (référence à la chanson que je fredonne sur la route en pensant aux prochains concerts/spectacles) *Chanson des Vacanchiers Texte et musique par le groupe « Train Des Gens » (Le Groupe "Maison" avec Miss Julia au chant et Sir Laurent à la contrebasse - En concert le 29 avril à Anglet, Ecuries de Baroja, après une résidence artistique) A gauche, une boutique de ravitaillement parmi toutes celles qui longent les routes. Pas la peine de se charger de gourdes...
AccidentS et PrudenceS Ce matin, j’ai assisté à un drame de la route : à quelques mètres devant moi, à la sortie de Hai Phong, un homme à mobylette a perdu le contrôle de sa pétoire chargée d’un tas de caisses et est venu s’encastrer dans un véhicule à l’arrêt sur l’avenue. Il s’est pris le rétroviseur en pleine face, il a basculé en arrière, son corps a été traîné sur quelques mètres par le poids de l’engin. Je me suis arrêté, évidemment, prêt-à-porter secours. Les cinq secondes suivantes sont analytiques et semblent compter davantage – c’est un moment curieux que je ne connais qu’en de pareilles circonstances, lorsque je suis face à la mort du moins à ses dérapages et ses pièges. Mon œil observe sans aucun sentiment car je coupe court à toute émotion, je garde mon sang-froid. L’accidenté est un homme d’une quarantaine d’années. Il est brun, les cheveux courts, la moustache fine. J’aperçois le genou gauche saillant d’une jambe tordue, il y a fracture. Le regard fixe et lointain de l’accidenté me rend sceptique quant à son état. Puis un liquide épais rougeâtre coule sur la chaussée, de l’oreille gauche, lentement, la mort fait sa besogne. Je n’ai aucun portable sur moi, je ne suis pas infirmier professionnel et son état n’est pas de l’ordre de la Position Latérale ou d’un « Premier Secours » ; les passagers de la voiture accourent, ils feront le nécessaire. Ecrire ce moment n’est pas un plaisir mais une thérapie et fait partie de mon voyage. J’ai poursuivi ma route. Cet autre matin, deux scooters se sont percutés, cascades des conducteurs, ça se cogne dans tous les coins et ça klaxonne sans arrêt. D’autres matins, d’autres après-midi ont suivi… Le soir, je n’en sais rien car j’évite la route de nuit.

Sans transition, une photo "Plats quotidiens" à gauche.


A droite: Un café "qui pleure" . (Modèle de cafetière pour café Robusta qui mettra 10 minutes pour s'écouler dans la tasse. D'où parfois un bol d'eau chaude pour maintenir au chaud le café qui goutte ou "Pleure". Il faut être patient et aimer manger le café.)

Et un peu de propagande colorée: Youpi.

Devinette : Qu’est-ce qui permet de dire : « bonjour », « barre-toi », « oh, un français, ou un américain…un mec pas de chez nous », « salut collègue », « il pleut », « y a les flics » en un seul coup ? Facile, non ?

Petite soirée des épreuves Le 16 janvier, route, rizières et crachin. Ce n'est pas grave: le paysage me fait oublier les vêtements collés. Hier : 120 km. Aujourd’hui, 130km et le 18 janvier est la date initialement prévue pour mon arrivée à Hoi Han. Y serai-je à temps? N'ai-je pas eu les yeux plus gros que les mollets? J’ai l’œil sur les bornes kilomètriques : « Vinh, 133 km ». Puis « Vinh 129 km ». Ensuite « Vinh 131km. Et « Vinh 128 km ». Une erreur ne s’est pas glissée et je pense que l’humour routier vietnamien repose sur la patience. Enfin je lis « Vinh 125 km » Tout semble se remettre en place. Seulement, deux « hic » sont revenus à la charge en moins de 3 heures : deux crevaisons m’ont fait perdre le temps nécessaire pour atteindre Vinh. Pour la première crevaison, je ferai vite. A grand renfort de démonte-pneu, entouré de badauds qui n’ont vraiment rien d’autre à faire que de me regarder et de me donner des conseils, je colmate le trou. Je file, l’heure tourne. Tant pis, je dois me rendre à l’évidence : je ne serai jamais arrivé à Vinh avant ce soir. J’ai déjà 115 km dans les mollets. Je ferai une escale forcée à Tinh Gia. L’hôtel sera le plus miteux depuis mon début de séjour. Le gardien – avec son sourire de lapin et les dents assorties ne m’a pas demandé le passeport et j’ai payé cache d’emblée. 120 000 Dong soit 6 Dollars. Ce que j’ai payé à prix comparatif sur l’île de Cat Ba, pour une chambre avec vue sur la baie d’Ha Long. Rapide coup d’œil dans la casemate sans fenêtre, ça ne me convient pas mais j’ai la flemme de chercher ailleurs. De toute manière, l’hôtel est à l’image de la ville, les restau aussi. La nuit est proche, je pose donc les bagages. Quand j’ai claqué la porte pour aller prendre ma douche, un instant de décompression et de décontraction musculaire essentiel, je me suis rendu compte avoir oublié la serviette de toilette proposée par notre hôtelier : il y a un minimum de service assuré. Au moment où j’ouvre la porte de la chambre, je sursaute. « Dent de lapin » était devant moi, me tendant poliment la serviette.

La douche est une nouvelle épreuve

Le trait rouge du robinet indique-t-il le chaud ou bien le froid ? Je me méfie. J’essaie d’un côté : perdu. De l’autre côté : perdu. Eau froide et envie de n’avoir jamais transpiré. Je suis propre et gelé. Après la douche, j’enfourche le vélo pour aller… ah, il est encore à plat ? Pas grave du tout, on n’est plus à ça près ! C’est une fine pointe qui s’était enfoncée dans le pneu et exprimait son envie de percer. Je répare les deux chambres à air puis je file en ville me contenter d’une soupe locale. Les restau ne s’arrachent pas la clientèle. A mon retour, les télés braillent à fond, en stéréo et ce ne sont pas les mêmes chaînes, j’ai de la chance. Pas de problème, car j’aime l’aventure, hein ? Un dernier détail avant de passer à… demain ? J’ai eu un doute en m’allongeant de m’être installé sur la table. Or, il n y a pas de table. Je suis bien en position vertical sur le lit, emmitouflé comme un inuit. Ce lit ne doit pas comporter de matelas, je soupçonne que ce soit un faux. Une copie. Je tape du poing dessus et ça résonne. C’est une planche déguisée… Comme je dois avancer sur mes textes, je profiterai de cet instant extérieur glauque pour me concentrer et me reposer les guiboles. Enfin, j’espère. J’ai rangé « Tigre vert » dans ma chambre, entre le plumard et le portemanteau où sont suspendues mes fringues lavées et sans espoir d’être sèches demain. Bonne nuit. « Plic Plic ! » Ne vous inquiétez pas, c’est le robinet du lavabo bouché qui goutte ! Si Rambo a fait la Birmanie, à mon petit niveau, je peux dire que je fais le Viet Nam. Départ de Hué, 9h30 - Da Nang puis arrivée hier soir à 16h30. Moyenne de 20km/h. Je suis arrivé à Hoï Han après 140 km à travers les rizières et la montagne... Rencontre avec un peintre, Jean Cabane qui tient une galerie d'art et expose ses oeuvres. Carnet 3, dans une dizaine de jours. Je pense à vous.