L'aventure à vélo

L'aventure à vélo
2011, Viet Nam/Cambodge en solitaire

dimanche 20 février 2011

Carnet 6 - Princesse Penh

Voyagez Sans Moteur, l'esprit libre

photo: le musée national

La naissance de Phnom Penh
par Paul Emile Victor Bouhaillot et Eugénie Talemberg, Exploraconteurs

Nous vous écoutons, Paul Emile…
"Eh bien, voilà : Madame Penh, une dame riche, vivait dans un village situé dans le Phnom Penh actuel. Un beau matin, sur le fleuve Mekong, elle vit un arbre creux flotter, dans lequel se trouvaient des statues en bronze du Bouddha. Cette barque vint s’échouer au bord de son jardin. Madame Penh prit ceci comme un signe : Bouddha désirait une nouvelle maison. Ainsi fit-elle construire un temple."

Merci Paul Emile. Encore une précision, Eugénie ?

« Oui. Lorsque les ennemis du Siam (la Thaïlande actuelle) envahirent la cité d’Angkor, cité des Rois Khmers, la capitale du Cambodge fut déplacée à Phnom Penh. Dans la langue Khmère, « Phnom » signifie « colline » ; Phnom Penh signifie « la colline de Madame Penh ».

Merci Paul Emile et Eugénie pour ces explications. Nos deux Exploraconteurs experts en légendes en ont déduit que ce temple est celui situé dans la capitale du Cambodge.

Ce préambule donne le « la » sur le sol, plat, du Cambodge et de la suite de mon périple culturel. Des contes, des spectacles et aucune montée montagneuse à vivre pour l’instant. Pour avoir fait l'année dernière le tour à vélo autour du Tonlé Sap, la plus grande réserve d’eau douce de l’Indochine, ce ne sera pas avant les Gardamonnes (situées au Sud Ouest, près de la frontière thaïlandaise)

Si les premiers kilomètres à travers ce second pays limitrophe au Viet Nam, sont fluides, l’esprit en ressent la douceur, je suis plutôt détendu et je roule en sifflotant jusqu’à la capitale, une étape culturelle qui ponctuera cette nouvelle traversée.

Retour à Phnom Penh
Photo à gauche: Port du casque recommandé aux enfants par la "Bouddha's Company"
Phnom Penh, me voici après une année, en forme et avec le plaisir de m’y poser quelques jours. J’arrive en fonçant (je dois faire du 30km/h aux vues des compteurs des scooters que je double), le sourire jusqu’aux oreilles, les yeux étincelants de joie ! Je contourne le Monument de l’Indépendance. Je me repère, souvenirs de l’an passé. Sans aucune appréhension, je me faufile entre scooters, vélos, Tuk Tuk et voitures. Je longe l’avenue Sihanouk, sans entendre de klaxonnerie ; juste le vent chaud et Céodeuïsé de la ville en mouvement. Fluidité des scooters comme un ronronnement, tout semble se passer sans incidents majeurs. Je roule, heureux d’apercevoir une famille complète assise entre le porte-bagages et le guidon. Des enfants de 5 ans casqués à l’avant, les petites mains rivées sur les freins. La vie brille et les klaxons se taisent !
Sans Détour
Je reconnais l'avenue principale qui m'aménera droit devant l’hôtel de l’an passé – une petite performance. Le Burly. 13$ la chambre avec TV5 Asie, nettoyage et draps changés tous les jours. Eau chaude, Internet Wifi… Un confort. Je gare Tigre Vert dans le hall surveillé. J’y établis ma première base, le temps de rencontrer les responsables de PSE. De mettre en place un nouveau projet culturel, ce pourquoi je voyage depuis 1 mois et demi et suis revenu ici ; l’objectif est de monter en très peu de temps (1 semaine) un spectacle avec des enfants de 10 à… 20 ans. Eh oui ! L’enfance dure plus longtemps au Cambodge. A présent, visite de la Pagode (Palais Impérial) et du Musée National.

Intermède. Un Petit Jeu
Un coquin de virus informatique a mélangé les titres de ces trois statuettes du Musée National de Phnom Penh, à vous de les retrouver.
1) Pas de bras, pas de chocolat
2) Babar joue à la Playstation en sirotant un verre
3) Skieuse au Cambodge

Une nouvelle mesure : Le KS, Kilomètre Stagnant
Ces prochains Carnets Cambodgiens qui couvriront la période du 7 février au 4 mars seront un voyage aux kilomètres stagnants, entrecoupé de kilomètres mobiles (Siem Reap-Battambang/Battambang-Bangkok?), un voyage marqué par deux points forts :
- un travail théâtral autour de « Léon Cadabrok », ou l’histoire d’un professeur fou qui vient à la rescousse d’enfants des rues. Personnage aux cheveux bleus et aux lunettes rondes et vertes, né avec la complicité de Claire Pelosato et de ses crayons magiques. Ce spectacle sera interprété par les enfants de l’association PSE (Pour un Sourire d’Enfant) dont les locaux sont basés en plein cœur des anciens bidonvilles.
- un travail avec l’école de cirque de Battambang. Des élèves en préparation d’un spectacle, travail sur le jeu d’acteur, la voix, le rapport avec la musique et bien sûr le conte. « Lucie Verpeuton » servira de trame. Décidément, ce conte s’exporte au-delà de ce que je pouvais m’imaginer et de façon naturelle, artisanale. Les organisateurs de Saint Quirin n’ont pas à rougir d’avoir permis la création de ce conte musical !

Répétitions dans le monde de la Princesse Penh
J'ai proposé au groupe d'enfants, d’ado et d’adultes (10/20 ans) de travailler sur le texte du professeur fou, d'enfants des rues voleurs, d'une femme mystérieuse et de deux détectives privés corrompus. Les responsables de l’activité : Luludvine et Henri ont été favorables au projet et m’ont donné le feu vert. Parfois des feux oranges se sont intercalés : matériels, décors, costumes ; il faut évidemment faire avec les moyens du bord. Je ne peux parler de récup’ à la française puisqu’ici, rien ne se perd et tout se récupère. Ce qui laisse peut de place aux objets ou matériaux inutiles. Ils ont entamé la première répétition le dimanche 13 février. Les répétitions vont durer les cinq jours suivants.
La même pièce sera jouée à Anglet par la troupe d’enfants de Baroja, pour le festival Jeune Public. (22 au 24 avril)
Quel plaisir de voir finalement le "pourquoi" du texte renaître, puisqu'à l'origine, l'idée de mettre en scène des enfants de la rue - idée soufflée par Julia - m'avait aiguillée vers mes souvenirs de l'an passé au Cambodge et des enfants de PSE. Donc, il s'agit d'un juste retour des choses. Ce 18 février sera une version simplifiée de l’histoire : le professeur Léon et la Demoiselle d'Hoï Han seront joués par deux « grands » de 17 et 20 ans. Les détectives, deux ado. Les enfants… par des enfants.
Les exercices de théâtre et les répétitions seront ponctués par... leurs applaudissements.
Leur animateur, « Propeye » (écriture phonétique approximative), s’est avéré être un traducteur khmer indispensable ; je lui explique en anglais les directives et les situations.
Non seulement Propeye traduit, fait le story board mais en plus apporte sa touche de direction d’acteur. Les subtilités du Khmer m’échappent totalement tandis que pour lui, ça parle et reste dans le contexte.
Parfois je ne peux comprendre les dialogues ajoutés mais l’essentiel est que les enfants suivent la trame, s’amusent à jouer les personnages. Ils rient tout le temps, ils sont dans l'énergie. Le spectacle a été joué ce vendredi 18 devant les internes (200) à 16h.
Le succès ? Je n’en sais rien et je m'en fiche, car le pari a été tenu. Ils ont joué, ils se sont amusés, se sont concentrés. Le public les a applaudis fortement, les organisateurs étaient plus qu’heureux… C’est l’essentiel.
Merci à eux d'avoir joué le jeu jusqu'au bout.

Distribution des rôles (transposition phonétique)
La Dame Mystérieuse: Bros-Ros
L'inspecteur: Pierreat
Le policier: Polamao
Première cliente: Sokhun
Seconde cliente: Ron Srey Nia
Professeur: Gnial
Marionnettes: Seign Sreilia Leak
Les enfants: Hokdont, Jan Soui, Chaï
Assistant Mise en scène et traducteur: Propeye
Organisation et Intendance: Luludivine et Henri
Oh, le joli Minicar. A quand une Tournée Inter-PSE ? Une tournée cambodgienne... internationale? Le bus est prêt, on dirait... et, personnellement, le clown de service, je suis prêt pour une seconde aventure : KNIÔM GOM-BPLAIN!

Entre temps…
J’ai assisté à des cours de combat. La pratique du Kôm. Un sport de défense, héritage des maîtres martiaux d’Angkor. C’est impressionnant, voire redoutable.
Leur salut, debout en formant un cercle : Sé-oum-ra, Prôm, Kôm, Ko’lop
Il est 21h. Je parcours Phnom Penh à vélo, après les répétitions, les derniers slaloms entre les taxis, les vélos, les motos, je quitte le boucan. Je passe le pont et gagne mon quartier, c'est le meilleur moment pour pédaler sans se sentir écrasé par le soleil... La fraîcheur du soir et le calme des larges avenues. J'aime cette douceur. Je me sens à l'aise, étonnamment .

Le matin, rendez-vous à l'ombre d'une pagode, un village dans la ville, pour écrire des chansons après un café cambodgien, fluide et noir. Je suis loin déjà du Viet Nam et du café vietnamien.
Photo à droite: un endroit que j'ai trouvé au hasard, situé à 30 secondes de mon second hôtel. Dans un quartier habité par des Mong ou moines bouddhistes, sous une petite pagode, à l'écart du bruit. Tous les matins, après un petit déjeuner et un grand café, je m'installe et j'écris au calme.
Mon Solo : un duo avec… le vélo !
Comment faire léger avec quelques éléments et accessoires qui rentrent dans une sacoche ? La réponse : au maximum utiliser les éléments de ma propre histoire, en l’occurrence le vélo. Utiliser ses méninges, le corps, la voix, l’énergie, la musique et… l’extenseur pour accrocher la guitare. Vous obtenez un « numéro » visuel, aussi modeste qu’il soit de 20 minutes. Résultat : des moments de rires et d’interrogations du public que je compensais par une allure dégingandée et un rire, disons, communicatif. Un chapeau noir, des lunettes, des chaussettes rayées, un short large, un t-shirt noir, un cycliste par dessous. Une paire de chaussures noires. Tout sert. Bilan, ça fonctionne. Je dois retravailler, c’est sûr et c’était prévu, mais au moins, c’était une "répétition" en public qui me permettra d’évoluer. Au final, le public a applaudi, j'en conclus que ce moment s’est agréablement passé pour les spectateurs. Par chance, je repartirais avec un film vidéo du spectacle et me ferai une séance d'auto-critique. Merci, petite caméra Maillette !

J’écris, je chante et je ne pédale pas
Depuis que j'ai franchi la frontière cambodgienne, je suis redevenu cigale. Les journées s’additionnent agréablement et passent vite. Entre la confection des accessoires, la recherche des costumes, les répétitions de mon propre solo visuel, sonore et en musique, les visites de Phnom Penh… Bref ! Si je veux être à Siem Rap ce samedi 19, il faut que je prenne le bateau pour traverser la « mer intérieure ». "Quoi, rugit Tigre Vert, encore un subterfuge pour ne pas faire tourner mon pédalier? Te prends-tu pour Alain Delon? Pour une Star à la retraite?".
Mon vélo fait un peu la tête, mais je crois qu'il exagère et deviens schizophrène; après de longues négociations, je lui promets donc les visites des temples d’Angkor, ceux que je compte revoir ou découvrir, je jure sur son guidon qu’on prendra la route entre Siem Rap et Battambang pour rejoindre l’école de cirque. Et si les délais me le permettent, un Battambang/Thaïlande.
"Promesse, toujours des promesses" me lance-t-il.
Mais le voyage se poursuit… Je pense à vous.

Prochain Carnet : Retrouvailles à Siem Rap et l’école de cirque de Battambang