L'aventure à vélo

L'aventure à vélo
2011, Viet Nam/Cambodge en solitaire

lundi 17 janvier 2011

Carnet 2 - Ha Long... and winding road

"Voyagez Sans Moteur, l'esprit libre... ça décoiffe !"
Carnet 2 - Ha Long... and winding road* *titre des Beatles Il faut savoir que – si les guides indiquent tout ce qu’il est nécessaire de savoir pour se déplacer en bus, en auto, en moto, en train d’un point A à un point F (ça change du B) – la route pour le cycliste demeure une aventure si l’on ne possède pas une carte IGN. Pour aller se régaler les yeux de la Baie d’Ha Long et gagner l’île de Cat Ba, il est conseillé de se rendre à Hai Phong et prendre un bateau. Il faut savoir qu’il existe « deux » Hai Phong. Un Hai Phong plutôt ville avec son embarcadère et un Hai Phong plutôt industriel avec sa poussière, ses chantiers et ses grues. C’est dans le second que je suis évidemment aller me fourrer. Le paysage n’était pas sans rappeler Santander ou Dunkerque parsemé de quelques reliefs karstiques. Demi-tour, une heure trente de perdue. J’arrive pile poil à l’embarcadère de Hai Phong Town, j’achète le billet (le prix triple d’un Viet Namien mais pas le temps de marchander) et enfin, la mer.
La baie d’Ha Long vue du balcon de l’hôtel s’endort avec le soleil, un instant magnifique : ses bateaux de pêche colorés, son air frais et les kilomètres qui chauffent encore mes mollets me donnent un certain aplomb, une certaine « zénitude ». Je suis planté là, face à un paysage unique de dents de pierre dressées vers le ciel au milieu de la mer. Je rêvais de voir cet endroit, je respire ce moment de magie, comme un phantasme d’enfant tout à coup assouvi. Si j’apprécie les instants posés, autour d’une table, où les projets fusent, où les idées affluent et les mots s’entrechoquent comme les verres de bière, ma vie prend tout autant de sens par le voyage géographique et les rencontres spontanées.

Cat Ba Island
Le lendemain, je me programme le tour de l’île à vélo. Le nord, l’est, le centre.

Il est vrai que la température n’est pas celle espérée mais à choisir entre transpirer dans le pantalon double épaisseur acheté hier soir et la tenue de cycliste, j’opte quand même pour les jambes à l’air : une deux, une deux, je pédale et n’ai pas le temps de me refroidir. Une deux, une deux, j’ai les jambes bleues mais je pédale. Au milieu de l’après-midi j’aurai droit à un petit moment délicieux : ça commence par une question en anglais que je pose, une envie d’une boisson chaude. C’est un briquet que l’on vous tend. Les bras croisés contre la poitrine pour stipuler le froid et un besoin de chaleur, vous vous retrouvez finalement devant un feu de camp allumé rien que pour vous et vos jambes frigorifiées. Ce sont de jeunes adolescentes qui me posent cette fois des questions en vietnamien. Ma meilleure façon de leur répondre est le « visuel ». Je fais le clown, pas besoin de nez rouge. Les rires fusent. Je suis ridicule, j’ai gagné. Un instant simple et d’échange. Le sourire aux lèvres, je quitte mon public (juvénile) rassasié d'une soupe, réchauffé et heureux de ce moment. Un peu plus tard, je pourrai cocher « Grotte hôpital », celle dans laquelle a séjourné Ho Chi Minh. Le guide, un ancien « jeune soldat »de la garde proche, m’a offert auparavant le café, puis il a endossé son habit militaire et c’était parti pour la visite du refuge Viet, une grotte aménagée en bunker (mini-piscine de HCM, en fait un large bac en béton). Je ne visiterai pas le Parc National pour des raisons d’horaires de fermeture. Ce sera peut-être l’occasion de revenir ici… Je regagne Cat Ba Town, au total 90 km calmement entre 10h et 18h. Une douche chaude, un repas à base de poissons et une soupe aux choux. Je terminerai cette journée par un Foot Massage.

Bikedog Millionnaire La monnaie vietnamienne est le Dong. Quelques billets estampillés : Oncle « Ho »… Chi Minh. A ne pas confondre avec « Oncle Jo » de la compagnie Philodart qui rêverait lui aussi d’avoir sa grosse tête sur nos billets. Sachant que 25 000 Dong équivalent à 1 €, il suffit de retirer 100 € et vous voici riche de 2.500 000 Dongs. Je suis donc ici un artiste millionnaire. Rassurez-vous, je ne joue ni les pachas ni les « Vacanchiers* » (référence à la chanson que je fredonne sur la route en pensant aux prochains concerts/spectacles) *Chanson des Vacanchiers Texte et musique par le groupe « Train Des Gens » (Le Groupe "Maison" avec Miss Julia au chant et Sir Laurent à la contrebasse - En concert le 29 avril à Anglet, Ecuries de Baroja, après une résidence artistique) A gauche, une boutique de ravitaillement parmi toutes celles qui longent les routes. Pas la peine de se charger de gourdes...
AccidentS et PrudenceS Ce matin, j’ai assisté à un drame de la route : à quelques mètres devant moi, à la sortie de Hai Phong, un homme à mobylette a perdu le contrôle de sa pétoire chargée d’un tas de caisses et est venu s’encastrer dans un véhicule à l’arrêt sur l’avenue. Il s’est pris le rétroviseur en pleine face, il a basculé en arrière, son corps a été traîné sur quelques mètres par le poids de l’engin. Je me suis arrêté, évidemment, prêt-à-porter secours. Les cinq secondes suivantes sont analytiques et semblent compter davantage – c’est un moment curieux que je ne connais qu’en de pareilles circonstances, lorsque je suis face à la mort du moins à ses dérapages et ses pièges. Mon œil observe sans aucun sentiment car je coupe court à toute émotion, je garde mon sang-froid. L’accidenté est un homme d’une quarantaine d’années. Il est brun, les cheveux courts, la moustache fine. J’aperçois le genou gauche saillant d’une jambe tordue, il y a fracture. Le regard fixe et lointain de l’accidenté me rend sceptique quant à son état. Puis un liquide épais rougeâtre coule sur la chaussée, de l’oreille gauche, lentement, la mort fait sa besogne. Je n’ai aucun portable sur moi, je ne suis pas infirmier professionnel et son état n’est pas de l’ordre de la Position Latérale ou d’un « Premier Secours » ; les passagers de la voiture accourent, ils feront le nécessaire. Ecrire ce moment n’est pas un plaisir mais une thérapie et fait partie de mon voyage. J’ai poursuivi ma route. Cet autre matin, deux scooters se sont percutés, cascades des conducteurs, ça se cogne dans tous les coins et ça klaxonne sans arrêt. D’autres matins, d’autres après-midi ont suivi… Le soir, je n’en sais rien car j’évite la route de nuit.

Sans transition, une photo "Plats quotidiens" à gauche.


A droite: Un café "qui pleure" . (Modèle de cafetière pour café Robusta qui mettra 10 minutes pour s'écouler dans la tasse. D'où parfois un bol d'eau chaude pour maintenir au chaud le café qui goutte ou "Pleure". Il faut être patient et aimer manger le café.)

Et un peu de propagande colorée: Youpi.

Devinette : Qu’est-ce qui permet de dire : « bonjour », « barre-toi », « oh, un français, ou un américain…un mec pas de chez nous », « salut collègue », « il pleut », « y a les flics » en un seul coup ? Facile, non ?

Petite soirée des épreuves Le 16 janvier, route, rizières et crachin. Ce n'est pas grave: le paysage me fait oublier les vêtements collés. Hier : 120 km. Aujourd’hui, 130km et le 18 janvier est la date initialement prévue pour mon arrivée à Hoi Han. Y serai-je à temps? N'ai-je pas eu les yeux plus gros que les mollets? J’ai l’œil sur les bornes kilomètriques : « Vinh, 133 km ». Puis « Vinh 129 km ». Ensuite « Vinh 131km. Et « Vinh 128 km ». Une erreur ne s’est pas glissée et je pense que l’humour routier vietnamien repose sur la patience. Enfin je lis « Vinh 125 km » Tout semble se remettre en place. Seulement, deux « hic » sont revenus à la charge en moins de 3 heures : deux crevaisons m’ont fait perdre le temps nécessaire pour atteindre Vinh. Pour la première crevaison, je ferai vite. A grand renfort de démonte-pneu, entouré de badauds qui n’ont vraiment rien d’autre à faire que de me regarder et de me donner des conseils, je colmate le trou. Je file, l’heure tourne. Tant pis, je dois me rendre à l’évidence : je ne serai jamais arrivé à Vinh avant ce soir. J’ai déjà 115 km dans les mollets. Je ferai une escale forcée à Tinh Gia. L’hôtel sera le plus miteux depuis mon début de séjour. Le gardien – avec son sourire de lapin et les dents assorties ne m’a pas demandé le passeport et j’ai payé cache d’emblée. 120 000 Dong soit 6 Dollars. Ce que j’ai payé à prix comparatif sur l’île de Cat Ba, pour une chambre avec vue sur la baie d’Ha Long. Rapide coup d’œil dans la casemate sans fenêtre, ça ne me convient pas mais j’ai la flemme de chercher ailleurs. De toute manière, l’hôtel est à l’image de la ville, les restau aussi. La nuit est proche, je pose donc les bagages. Quand j’ai claqué la porte pour aller prendre ma douche, un instant de décompression et de décontraction musculaire essentiel, je me suis rendu compte avoir oublié la serviette de toilette proposée par notre hôtelier : il y a un minimum de service assuré. Au moment où j’ouvre la porte de la chambre, je sursaute. « Dent de lapin » était devant moi, me tendant poliment la serviette.

La douche est une nouvelle épreuve

Le trait rouge du robinet indique-t-il le chaud ou bien le froid ? Je me méfie. J’essaie d’un côté : perdu. De l’autre côté : perdu. Eau froide et envie de n’avoir jamais transpiré. Je suis propre et gelé. Après la douche, j’enfourche le vélo pour aller… ah, il est encore à plat ? Pas grave du tout, on n’est plus à ça près ! C’est une fine pointe qui s’était enfoncée dans le pneu et exprimait son envie de percer. Je répare les deux chambres à air puis je file en ville me contenter d’une soupe locale. Les restau ne s’arrachent pas la clientèle. A mon retour, les télés braillent à fond, en stéréo et ce ne sont pas les mêmes chaînes, j’ai de la chance. Pas de problème, car j’aime l’aventure, hein ? Un dernier détail avant de passer à… demain ? J’ai eu un doute en m’allongeant de m’être installé sur la table. Or, il n y a pas de table. Je suis bien en position vertical sur le lit, emmitouflé comme un inuit. Ce lit ne doit pas comporter de matelas, je soupçonne que ce soit un faux. Une copie. Je tape du poing dessus et ça résonne. C’est une planche déguisée… Comme je dois avancer sur mes textes, je profiterai de cet instant extérieur glauque pour me concentrer et me reposer les guiboles. Enfin, j’espère. J’ai rangé « Tigre vert » dans ma chambre, entre le plumard et le portemanteau où sont suspendues mes fringues lavées et sans espoir d’être sèches demain. Bonne nuit. « Plic Plic ! » Ne vous inquiétez pas, c’est le robinet du lavabo bouché qui goutte ! Si Rambo a fait la Birmanie, à mon petit niveau, je peux dire que je fais le Viet Nam. Départ de Hué, 9h30 - Da Nang puis arrivée hier soir à 16h30. Moyenne de 20km/h. Je suis arrivé à Hoï Han après 140 km à travers les rizières et la montagne... Rencontre avec un peintre, Jean Cabane qui tient une galerie d'art et expose ses oeuvres. Carnet 3, dans une dizaine de jours. Je pense à vous.